« S’abîmer : Bouffée d’anéantissement qui vient au sujet amoureux par désespoir ou par comblement ». Ces mots du Fragment d’un discours amoureux de Barthes pourraient être le préambule d’Aime-moi, le spectacle de Géraldine Martineau. En apparence comique, le témoignage de Gerry révèle de réelles souffrances. Elle s’abîme contre une violence sociale devenue banale. Remplir le vide, ne pas oser dire non, ne pas se faire respecter. Elle avance comme une marionnette dans des relations amoureuses perdues d’avance. Sous la forme d’une thérapie à cœur ouvert, Gerry déballe son histoire sur le plateau du Théâtre de Belleville.

L’histoire de Gerry est aussi celle de nombreuses femmes d’une génération Tinder accrochée à un téléphone portable comme à une bouée de sauvetage. Parce qu’elle fait écho à des témoignages de son entourage, l’auteure, metteure en scène et comédienne a souhaité donner la parole à un autre visage. Diane Bonnot partage ce rôle de clown à fleur de peau en alternance. Ce soir, le public était face à Géraldine-Gerry.
Derrière les rires, une véritable souffrance
Entre une pression maternelle, une vacuité professionnelle et des rencontres amoureuses nocives, Gerry manque tristement de repères. Au cours d’une thérapie de groupe, cette jeune femme paumée dévoile son intimité sans tourments ni pudeur. Encore une douce manipulation de maman.
Avec sa petite bouille innocente et sa chevelure blonde, elle rayonne de candeur. On découvre une relation fusionnelle avec sa mère. Les souvenirs d’un voyage en amoureux à Venise dévoilent une liaison torturée. Des situations insensées s’enchaînent avec légèreté. Au fond, elle s’abîme. Les aveux frôlent le délire. Elle passe de l’hystérie à la fille blasée en un quart de seconde. Ce ping-pong émotionnel la rendrait presque schizophrène.

Un clown à fleur de peau
Avec sa naturelle spontanéité, Géraldine Martineau est Gerry. Un Molière de la révélation féminine glanée en 2016, elle a incontestablement du talent. Son parlé vrai nous donne l’impression d’être en compagnie d’une copine. Elle gagne notre complicité en effaçant le rapport scène / salle et en invitant les spectateurs à l’analyse.
Géraldine et Gerry ne font qu’une comme lorsqu’elle jouait une jeune femme simplette dans Pompiers en 2019. Son humanité envahit les personnages au point de faire oublier la convention théâtrale.
Une thérapie pour être aimer
Sur le plateau, une heure suffit pour toucher un problème de soumission et une tendance à oublier de se faire respecter. Cette plongée dans le désarroi est séquencée par des improvisations. Le spectacle est alors très vivant. Une bouffée d’air pour une vie respectueuse et amoureuse.
Saint Valentin ou pas, nous vous encourageons à foncer voir ce spectacle drôle et très bien mené. La programmation du Théâtre de Belleville est par ailleurs très prometteuse avec des spectacles honorant des artistes talentueux.

Depuis 2011, la programmation du Théâtre de Belleville met en lumière des créations contemporaines et des esthétiques nouvelles. Dans la veine du Théâtre de la Loge, cette pépinière artistique accueille de véritables pépites en résonnance avec notre temps.
Aime-moi est joué jusqu’au 25 Février au Théâtre de Belleville. Allez-y !
Votre commentaire